Anciennes familles de Provence

 

PRENOMS PROVENCAUX

les plus donnés et les plus typiques
XVIe - XVIIe - XVIIIe s.

 

Province occitane marquée par son héritage gréco-romain et judéo-chrétien, traversé d’influence germanique et italienne, la Provence a, comme la plupart des pays composant le royaume de France, ses traditions, sur le plan des noms comme des prénoms.

Il nous a paru intéressant, en marge de l’étude généalogique des familles provençales, de proposer une liste des prénoms typiquement provençaux que nous avons rencontrés. Typiquement : non pas exclusivement provençaux mais particuliers à cette province, à la fois par leur spécificité et leur fréquence.

On peut classer les prénoms provençaux, typologiquement, selon cinq catégories.

La première catégorie, qui constitue probablement la majorité des prénoms portés en Provence, est celle des prénoms tirés de l’Evangile et particulièrement de l'entourage de Jésus. Cette particularité atteste d'un enracinement chrétien fort. Les raisons en sont historiques et remontent aux premières années de la christianisation, avec la venue sur le sol de Provence, nous dit la tradition, des proches du Christ (Marie-Madeleine, Lazare, Marthe et Maximin) ; elle trouve peut-être aussi une origine dans la réaffirmation de la foi chrétienne au lendemain des invasions maures.

Dans le « peloton de tête » des prénoms typiquement provençaux, figurent ainsi les mages Gaspard, Melchior et Balthasar, le Paraclet, Esprit (féminin Espérite ou Spérite), et Jésus lui-même, rédempteur des péchés (Sauvaire). De l’entourage du Christ, nous l’avons dit, les plus remarquables sont Lazare (Elzéar), et ses soeurs Magdeleine (diminutif Madon) et Marthe (Martonne), aussi répandus que Marie et Anne. Suzanne et Isabelle (Isabeau), figures de l’Ancien Testament, bénéficient également d’un large rayonnement en Provence. Deux autres personnages importants de la Sainte Famille mais dont le prénom n’apparaît qu’avec la Renaissance : Joseph et Baptiste. Parmi les apôtres, Jean, Pierre (diminutif Peyron), Jacques (Jaume), André (Andrieu, féminin Andrieue souvent lu et interprété à tort comme "Adrienne") et Barthélémy (Barthomieu), premiers disciples de Jésus, sont les plus répandus, devant Paul ou Mathieu. Saint Etienne (Estiene, diminutif Steni, féminin Estevenette) premier martyr de la Chrétienté, jouit également en Provence d’une large vénération. Enfin, les noms des archanges Michel et Gabriel ne sont pas exceptionnels.

La deuxième catégorie est composée des prénoms issus d'un grand saint de la Chrétienté ou d'un protecteur local. A côté de saints François et Antoine (ce dernier prénom omniprésent en Provence, diminutif Touni, féminin Anthonone, Anthorone), de saintes Marguerite et Catherine vénérées dans tout l’Occident, des réformatrices Thérèse et Claire, la terre provençale perpétue fidèlement le culte de ses patrons locaux. Le premier est sans conteste saint Honoré (Honorat), archevêque d’Arles et fondateur de Lérins, mort en 429. La forme féminisée Honorate ou Honorade (vulgairement Nourade) compte parmi les prénoms féminins les plus répandus. Les prénoms Boniface et Pancrace, ou Brancas, sont également singuliers. Benoît (Benezet), malgré le berger protecteur d’Avignon, est en réalité peu répandu. Viennent enfin les nombreux saints du martyrologe provençal, généralement patrons de village : saint Maime, saint Cannat, saint Mitre, saint Abdon, saint Venture, saint Mayol, saint Eyriès, saint Armentary à Draguignan, sainte Réparate, sainte Tulle etc.

Troisième catégorie de prénoms, en lien avec la précédente : ceux de l'époque féodale, de racine germanique ou païenne. On trouve ici les prénoms Bérenger (Bérenguier), Adhémar (Aimar), Arbaud, Guigues (Guigou), Guillaume (Guilhem), Hugues (Hugon), Laugier, Rostaing, Durand, Pons, Arthur (Artus), Blain, et pour les filles, Alayone, Eyssalène, Esparonne, Batrone, Laudune, Douce, Sielle, Rossoline ou Delphine (Dauphine). En fait, la plupart de ces vocables d'hommes et de femmes sont des survivances du Moyen-Âge. Ne renvoyant à aucun culte populaire (hormis peut-être Delphine de Sabran), ils disparaîtront avec le temps pour ne subsister que dans le champ patronymique. C’est ainsi qu’à côté des noms de famille Arnaud, Durand, Aubert ou Raymond, qui ne sont pas spécifiquement provençaux, et se sont maintenus dans toute la France, les patronymes Guigou, Suffren, Meyfren, Bérenguier, Laugier, Brémond, Foucou ou Amalric, forment l'héritage provençal de quelques uns de ces vieux prénoms germaniques. Des exceptions existent toujours, et il est très curieux de voir, par exemple, que Durand est encore donné comme prénom à Aix, en 1702 !

L'attrait pour l’Antiquité, importé d’Italie à la cour des Valois, a vu fleurir au sein de l’élite provençale un ensemble de prénoms qui s’implanteront peu à peu dans nombre de foyers. Tirés des héros de l’Empire romain (Scipion, Marius, Annibal, Pompée, Auguste, César, Marc-Antoine, Sextius, Claude, Lucrèce, Sybille), ou de la mythologie (Diane, Polixène, Cassandre, Hercule, Hippolyte écrit le plus souvent Hyppolite), ces prénoms du paganisme s'introduiront, par les parrainages et par simple imitation, dans les familles bourgeoises, et de là dans les foyers plus modestes. Le rôle des Protestants, qui se tourneront également vers l’Ancien Testament (David, Abraham, Moïse, Rachel, Judith) sera, sur ce plan, déterminant. De cette vague néoclassique, le prénom Marius, popularisé par Pagnol et aujourd’hui emblématique de la Provence, est le meilleur exemple. Le prénom Lucrèce pourrait être son équivalent féminin en termes de spécificité.

Certains prénoms semblent avoir franchi directement les Alpes, dès le XVe siècle, sans attendre la Renaissance française. Ainsi Thadée, Accurse, Lange, Chérubin, Bachi, ou le typique Marquise, féminin de Marc, qui a donné lieu dans les nobiliaires français à de nombreuses confusions. Séris est parfois assimilé à Henri. Ces prénoms restent toutefois rares, et limités aux familles instruites.

A signaler, enfin, cette tradition provençale qui veut que l’enfant d’un édile municipal, né l'année du mandat de son père, reçoive en second prénom le nom de sa ville : cette tradition se trouve notamment à Forcalquier (Lambert-Etienne-Forcalquier de Gassaud), à Moustiers (le préfet Joseph-h-Antoine-Moustiers Thomas), à Pertuis (le fils du consul Joseph Jullien prénommé Pierre-Joseph-Auguste-Pertuis en 1769), à Pelissanne (le fils du consul Henri Chauvet est prénommé en 1767 Charles Mitre Joseph Pelissanne Chauvet), à Draguignan (François Drac de Poitevin Mallemoisson lieutenant général de Draguignan en 1648), à Marseille ou Aix (le prénom donné est alors Sextius ou Sextia).

Notons aussi ce paradoxe du prénom René qui, malgré la grande popularité et les largesses du « bon roi René », a eu très peu de succès dans les baptistaires de Provence, curieusement.

 


La liste ci-dessous n’a rien d’exhaustif : elle se limite géographiquement au pays d’Aix et à la Haute-Provence, et, chronologiquement, s’étend de la Renaissance à la Révolution.

 

Prénoms masculins

Prénoms féminins

 

Accurse
Anfous, Anfossi (Alphonse)
Annibal
Antoine, Toni
Armentary
Aronce
Bachi
Balthasar
Barthomieu (Barthélémy)
Benezet
Blégier
Boniface
Brancas, Brancais, Pancrace
Caïetan
Cannat
Chaffret

Chérubin
Clair
Christol

Durand
Elzéar, Elzias, Auzias, Ozias
Esprit, Espérit
Estienne, Stene, Steni
Eucher
Eyriès
Guigou
Henrigon (diminutif d'Henri)
Honorat
Isnard
Jauffret, Chaffret

Jaume (Jacques)
Lange, Langy (Ange)
Lantelme, Lanteaume, Antelmi
Laugier
Marius, Mary
Marmet
Maximin
Mayme
Mayeul ou Mayol
Melchion, Melchior
Mitre, Mitron
Monet
Pompée
Sauvaire, Sauveur
Scipion
Secret

Séris, Sérys, Céris, Cérissi
Sextius
Stacy ou Stachy, Eustache
Suffred, Suffren
Trophime

 

Alayone, Alione, Hélione
Andrieue, Andrieve
Anthonone, Anthorone, Thonone, Tounone, Thourone, Thonette, etc.
Auphante, Alphante
Bartolomine
Batrone, Bitrone
Cassandre
Chaffrée
Diane
Esparonne
Espérite
Eyssalene, Ayssalene
Genebre, Ginebre (Geneviève)
Honorade, Norade
Jaumette
Laudune
Lucrèce
Marquise
Marthe, Martonne
Melchionne, Marchionne
Mitronne
Polixène
Réparate, Réparée
Rossoline
Sielle, Sillette
Sybille
Sylvie
Truphemette
Tulle
Venture
Vietone

 

En savoir plus sur les prénoms usuels :
Li pichot noum en prouvençau

 

 
 
 
contact