Anciennes familles de Provence
   

 

Les origines de la famille
Marc de Châteauneuf

(Mark de Tripoly de Panisse Passis)


 



Etude réalisée par M. Bruno Maurel.


Famille typiquement provençale par ses noms et prénoms, elle pourrait même descendre des premières familles juives installées dans la région après la destruction du deuxième temple de Jérusalem dans les années 70 de notre ère. Une lampe de Hanouka, datée de cette période, fut trouvée dans la Durance.

Elle est remarquable par la forte personnalité et la volonté de chaque génération à faire progresser la famille dans tous les aspects de la société juive et chrétienne. Cette famille ne transmet pas de nom de famille, le prénom du père devenant le nom de famille du fils et ainsi de suite à chaque génération.

Les armes concédées par les lettres d’anoblissement de 1510 sont textuellement : « trois carreaulx d’argent à poincte de dyamant en champ d’azur et au chef d’icelles une estoille d’or » (BdR B5 f°111), mais cette description pose plusieurs difficultés. En effet, outre que l’étoile comporte huit raies qui ne sont pas précisées, créant une irrégularité, l’emploi du terme «carreau» pour figurer une pointe ou un triangle, ou inversement le dessin d’un triangle pour évoquer un carreau, ne permet pas de comprendre l’objet héraldique évoqué. De quel carreau d’agit-il ? Est-ce une pointe de diamant à base carrée ?

Quoi qu’il en soit, les armes des Marc deviendront ensuite plus explicites : d’azur à trois pointes de diamant d’argent (ou triangles), tournées en haut, surmontées d’une étoile d’or à six raies, telles qu’enregistrées à l’Armorial général d’Hozier de 1696.


I – Bendich […]  né vers 1335. Il n’est connu que grâce au nom de famille de son fils. Père de :

II – Salomon Bonsenhor BENDICH marchand, né vers 1360 et décédé le 30 mai 1443. Il habite Tarascon en 1419 puis l’Isle-sur-Sorgues et enfin Avignon en 1432. Le 18 novembre 1420, il vend une bible en hébreu à Mey Vital pour 36 florins et s’accorde avec les baylons d’Avignon en 1422. Le 13 mars 1432, il s’associe avec deux autres personnages judicieusement bien choisis : les trois hommes mutualisent en effet leurs qualités dans cette entreprise, François de Malespine pour sa noblesse, son épée protectrice et son carnet d’adresses de la haute société (il détiendra plusieurs charges consulaires pour la commune d’Avignon), Georges de Turrel, docteur en droit, pour ses connaissances juridiques, et Bendich pour sa connaissance du métier, son réseau de commerçants et l’utilisation des lettres de change. Il teste le 30 juin 1441 et fait un codicille le 10 avril 1443. Il est l’époux de Régine. D’où :

III – Bendich SALOMON marchand et médecin de Cavaillon, où il s’installe le 12 décembre 1433. Il est le médecin de l’évêque Pierre Porchier, qui lui léguera une somme d’argent en récompense de ses bons et loyaux services (janvier 1447) ; né entre 1395 et 1403 car il est dit mineur de 25 ans et majeur de 15 ans à son contrat de mariage, il meurt entre 1485 et 1488. Il épouse, suivant contrat du 6 décembre 1419, Bonnefille fille de Vital BENDICH et de Bonedone, originaire de Carpentras ; elle apporte en dot 285 florins, somme qui sera portée sur son contrat de mariage en hébreu appelé kétoubah. D’où :

  1. Vital BENDICH décédé en 1442, épouse Régine fille de Mosé de TORNON, originaire de Pertuis. Ils habitent Carpentras. D’où :

    1. Abraham BENDICH
    2. Josse BENDICH
    3. Belle BENDICH épouse le 25 novembre 1494, Abraham de LATTES.

  2. Bonanasc BENDICH décède avant 1458, épouse Salomone fille d’Abraham ASTRUG.
  3. Bonsenhor qui suit,
  4. Tolosane BENDICH née vers 1432 et décédée en 1508 ; elle épouse 1) le 16 juillet 1448, Jacob ASTRUC de l’Isle-sur-Sorgues. 2) vers 1460-1463, Salomon JACOB fils de Jacob Bonsenhor médecin d’Aix et de Régine. Elle se convertira dès 1496 sous le nom de Honorade MALESPINE.
  5. Régine BENDICH épouse le 3 avril 1453 Bonafocy ISAAC fils de Isaac Josse de Salon.
  6. Salomon BENDICH épouse 1) le 12 mai 1459, Esther ASTRUC fille de Boniac Astruc de Carcassonne. 2) le 27 décembre 1479, la fille de Mossé LEON. Il s’installe à Carpentras le 2 mai 1485.

IV – Bonsenhor BENDICH marchand drapier, banquier de Salon, développe ses affaires qui lui permettent d’exercer le métier de banquier ; d’abord habitant de Cavaillon, il s’installe en 1455 à Salon puis revient à Cavaillon en octobre 1488 ; né vers 1420, décédé en 1490 ; épouse Migual originaire d’Aix, fille d’Astrugi VINAS et d’Astrugia. D’où :

  1. Astrugie BONSENHOR héritière pour 200 florins de son bisaïeul en 1443.
  2. Bonan BONSENHOR de Salon, nommé dans une reconnaissance à son frère Pierre Marc lorsqu’il était juif (dum in judaysmo esset) d’une somme due par Monet Roubaud travailleur de Senas, le 6 avril 1486 (Darneti, not. Marseille), né vers 1456 ; épouse le 24 mai 1479 Esther fille de Durand DEL SESTIER de Salon. Elle apporte en dot 324 florins qui se rajoutent aux 186 florins de son époux.
  3. Profach qui suit,

V – Profach BONSENHOR devenu Pierre MARC marchand de Salon, amplifie le commerce de son père et devient un acteur majeur du commerce, depuis Lyon jusqu’aux côtes sud de la Méditerranée (huile, laine, moutons, blé… se comptent en milliers de litres et de têtes de bétails ou en tonnes) ; il reçoit de son grand-père et de son grand-oncle Vitalis une maison à Salon, quartier Bastonnenq (29 décembre 1484), fuyant en 1484 la « commotion » de Salon, période de pogrom contre la population juive, il se convertit à la religion chrétienne avec ses trois enfants en devenant Pierre Marc, du nom des saints vénérés en la chapelle de son protecteur François de Malespine. Il teste le 16 mars 1498 et codicille le 12 octobre 1501, est substitué pour moitié à l'héritage de Jean de Camaret, néophyte d'Arles, par testament du 31 mai 1505 (Menhinat, protonot.) ; né vers 1445, il meurt en janvier 1507, il épouse Riquette fille d’Israël BELLANT médecin de Trets. Il divorce le 5 avril 1486 car sa femme souhaite rester dans la religion de ses pères. Son épouse semble se convertir peu après sous le prénom de Bertrande. D’où trois enfants, dont les prénoms juifs nous sont restés inconnus:

  1. Bellone MARC née vers 1472, épouse le 14 février 1490, Jehan NIGRI de Marseille.
  2. Guillaume MARC marchand de Salon, né vers 1475, épouse la belle-sœur de son frère, noble Marguerite GASQUE originaire de Cavaillon. Il teste le 18 juillet 1521 et décède sur un bateau en Méditerranée en 1527.
  3. Louis qui suit,

VI – Louis MARC riche marchand et banquier de Salon, il continue, en indivision avec son frère Guillaume, dans la voie de ses ancêtres les activités internationales de commerce et de prêts d’argent ; né vers 1470, il meurt en 1545, après avoir testé le 2 avril 1522 ; épouse le 28 avril 1496 noble Anthonette GASQUE originaire de Cavaillon, fille de Guillaume et de Catherine de CHATEAUNEUF ; le père de l’époux, très intéressé par cette alliance, apporte en dot 3000 florins, tandis que le père de l’épouse, moins fortuné, n’apporte que 200 florins. D’où postérité.

Les deux frères Louis et Guillaume ont gardé des liens avec leur ancienne communauté et la conversion leur ouvre des opportunités réservées aux chrétiens, leur ascension sociale est hors du commun pour des juifs convertis mariés à des filles de l’aristocratie et, sur la recommandation de leur protecteur Jean Ferrier, archevêque d’Arles, le roi Louis XII les anoblit (lettres de septembre 1510, confirmées en 1512) avec des frais d’enregistrement de 50 florins ; ils investissent dans des terres et maisons, sont nommés exacteurs pour trois ans des impôts levés à Beaucaire, Maillane et au péage d’Arles pour le compte de l’archevêque Jean Ferrier, soit 5000 florins par an (1518), achètent d’Antoine Gérente seigneur de Monclar la coseigneurie de Châteauneuf-lès-Moustiers au prix de 966 florins (29 août 1519), et le bateau Le Saint-Antoine (9 août 1525), chargent 20 000 litres d’huiles pour l’île de Chio en Grèce et Constantinople (1533) ; ils n’apparaissent pas dans les rôles de taxes spéciales qui frappent les néophytes.




Mariage de Bendich Salamon et Bonnefille, 6 décembre 1419
(contrat notarié, incipit).



 
contact