Anciennes familles de Provence
     

 

(de) Félix
du Muy


 


La famille de Félix appartient à la grande noblesse de robe et d’épée de Provence. Elle s’est illustrée particulièrement à la nomination d’un de ses membres, le comte du Muy, premier ministre de la Guerre de Louis XVI (1774) et maréchal de France (1775).

Originaire d’Avignon, elle s’enrichit au début du XVIe siècle dans le négoce, en particulier de la soie, qui était manufacturée à Avignon et importée du Levant, et forme plusieurs branches à Avignon, Aix et Marseille. Sa filiation au XVe siècle reste toutefois incertaine.

Présentée dans les généalogies du XVIIIe siècle comme issue des anciens Félici de Turin et des Grimaldi, cette version a été réfutée à raison par la Critique de Barcillon, reprise par Lainé (1818) et du Roure (1923), qui évoquent plutôt une origine judaïque. Mais cette dernière hypothèse semble elle aussi fragile, car fondée sur aucun acte et en contradiction avec un réseau matrimonial des Félix d’Avignon, où l’on ne trouve aucun néophyte mais bien des négociants italiens (Peruzzi, Francia, Gagnon, Magis), et des prénoms de l’Antiquité inspirés du quattrocento. Quoi qu’il en soit, les Félix ont « produit assez de personnages illustres pour pouvoir se passer d'ancêtres imaginaires », rappelait Chaix d’Est-Ange. Les charges et services innombrables qu’ils ont rendus à la Provence ou au royaume, le démontrent suffisamment.

Parmi les charges exercées, citons celles de : conseiller à la cour des Comptes de Provence (1604), conseiller au parlement de Provence (1699), lieutenant des soumissions à Aix (1603, 1638, 1666), conseiller au siège de Marseille (1627), trésorier de France (1619, 1650, 1687), trésorier de la marine (1577), contrôleur général de la marine (1573, 1614), consul d’Aix (1679, 1754), consul de Marseille, gentilhomme ordinaire de la maison du roi, médecin du roi.

Sur le plan militaire, celles de : lieutenant général des armées du roi (1748, 1792), maréchal de camp (1744, 1745, 1788), chef d’escadre (1671), commandant en chef de Provence (1734), commandant en chef et gouverneur de Flandre (1762), major de Marseille (1650), capitaine de galère, gouverneur de places fortes, maréchal de France (1775). En outre, dix membres de la famille de Félix furent chevaliers de Malte, dont un grand prieur de Saint-Gilles (1719).

Appelés à Versailles sous la Régence, ils obtinrent auprès de la famille royale les fonctions éminentes de sous-gouverneur et sous-gouvernante (1728, 1735), menin (1745), maître d’hôtel, et au cœur du pouvoir royal les charges de conseiller d’Etat, directeur des économats (1733), directeur de l’hôtel des Invalides, et ministre et secrétaire d’Etat à la Guerre (1774).

Les Félix ont porté les titres réguliers de marquis du Muy (1697), comte de la Reynarde (1724), comte de Grignan (1732), baron de Dauphin et Saint-Maime (1754), marquis d’Ollières (v.1756), seigneur de la Ferratière (1532), seigneur de la Jaconnière-Puget (1663), baron d’Empire (1811), comte et pair de France (1817), et plus brièvement ceux de marquis de Saint-Phal (1744) et comte de Ribiers (1751). Ils se qualifiaient également seigneur ou comte de Villarfouchard en Piémont, mais ce titre reste incertain car faisant partie, avec la Jaconnière (terre savoyarde dont ils transportèrent le nom à un petit domaine à Signes) des possessions devant accréditer leur origine piémontaise. Maintenus nobles en 1668, au vu de titres falsifiés pour toute la filiation précédant l’alliance Péruzzi de 1493, ils ont été admis aux honneurs de la cour en 1785, et s’éteignent en 1903.

Quatre figures se détachent particulièrement de cette famille.
Celle de Jean-Baptiste de Félix de la Reynarde (1678-1759) dit le Comte du Muy (bien que marquis à la mort de son père), conseiller au parlement d’Aix (1699), ami du cardinal de Fleury qui l’attire à Versailles (v. 1715-1720), et lui procure la charge de directeur des économats (1733) après avoir obtenu pour son épouse la place de troisième sous-gouvernante des enfants de France (1729). Ayant la confiance du roi, le Comte du Muy est nommé dans la foulée commandant en chef en Provence (1734), sous-gouverneur du Dauphin (1735), conseiller d’Etat (1740), maître d’hôtel de la Dauphine (1744). Grand seigneur provençal, il fait restaurer le château du Muy, bâtit une bastide près d’Aix et agrandit son domaine de la Reynarde à Marseille, il acquiert également le magnifique château de Grignan avec son comté (1732). Il eut de son mariage avec Marie-Thérèse de Mison, deux fils, qui grandiront près de la cour et à Paris.

Tancrède de Félix, marquis du Muy (1707-1777), l’aîné, lieutenant général (1748), prit part aux batailles de son temps puis entra dans l’intendance de la comtesse de Provence (1771) ; il maria sa fille unique, Marie-Anne, avec le dernier marquis de Créquy, alliance qui ne sera pas heureuse, marquée par la mort en bas-âge de leur unique enfant. Ruinée à la Révolution, Mme de Créquy épousera en 1802 le capitaine de Bosroger ; son mince héritage reviendra pour partie à ses cousins Forbin la Barben.

Louis de Félix, comte du Muy (1711-1775), le cadet, après avoir mené une brillante carrière lui aussi, maréchal de camp (1745), est nommé menin du Dauphin (père de Louis XVI), prince qu’il connaît depuis son enfance et dont il sera l’ami le plus fidèle jusqu’à sa mort. Gouverneur de Flandre (1762), chevalier des ordres du roi (1764), honneur que sa générosité avait repoussé d’abord en faveur de son frère aîné, il accepte en 1774 la charge de ministre de la Guerre, après l’avoir refusée dix ans plus tôt à Louis XV. Il reçoit le bâton de maréchal l’année suivante, mais meurt tragiquement d’une opération de la vessie. Caractère droit et inflexible, homme de devoir, « sincère dans les cours, austère dans les camps, stoïque sans humeur, généreux sans faiblesse, le mérite à ses yeux fut la seule noblesse » (épitaphe de Sacy), il fut une figure noble et parfaitement honnête de son siècle.

L’héritage des Félix du Muy passe ensuite, dans des circonstances complexes, à leur cousin éloigné Jean-Baptiste de Félix d’Ollières (1751-1820), colonel d’infanterie (1775), combattant de Yorktown, maréchal de camp (1788). Adepte des idées nouvelles, ce nouveau Comte du Muy sert dans l’armée républicaine comme général divisionnaire, fait l’expédition d’Egypte et termine sa carrière avec la croix de commandeur de Saint-Louis, le titre de baron d’Empire puis celui de comte-pair héréditaire (1817). Il avait épousé en 1788 Louise de Vintimille du Luc, petite-fille de Louis XV, dont il n’eut pas d’enfant. De fait, comme il en avait bénéficié lui-même, il laissa son riche héritage à la branche aixoise des Félix, la dernière alors existante. Celle-ci s’éteindra à la mort de Ferdinand de Félix du Muy (1841-1903), propriétaire et ancien maire d’Ollières, dont les sœurs sont entrées par mariage dans les familles de la Fresnaye et de Coustin.

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Armes : écartelé, aux 1 et 4 de gueules à la bande d'argent, chargée de trois F de sable, aux 2 et 3 de gueules au lion d'or à la bande d'azur brochante sur le tout. Elles furent ainsi enregistrées à l’Armorial général par Jean-Baptiste de Félix la Reynarde seigneur du Muy, Balthasar de Félix, écuyer, Michel de Félix écuyer, lieutenant général aux soumissions d’Aix, Philippe Joseph de Félix d’Ollières enseigne de galère, et Jean-Baptiste de Félix la Reynarde.

Les armes des Félix sont les premières, les trois lettres F rappelant leur devise : Felices fuerunt fideles, dont la tradition attribuait l’origine à un comte de Savoie en 1247. Les armes écartelées sont celles des Fraxinelli, de Verceil en Lombardie.

Deux chevaliers de Malte, Joseph de Félix la Reynarde, commandeur d’Espalion et ancien capitaine de galère, et Scipion de Félix la Reynarde, y ajoutèrent naturellement en chef la croix de Malte.

Paul de Félix de Greffet de la Ferratière chevalier, trésorier général de France, inscrit lui aussi à l’Armorial, écartela : au 1, de gueules à la bande d’argent chargée de trois F de sable (Félix), au 2 et 3, d’azur semé de billettes d’argent au lion d’or brochant (Greffet), au 4 de gueules au lion d’or à la bande d’azur brochant sur le tout (Fraxinelli).

A noter que les Félix de Creisset, de Mézel et Riez, adoptèrent des armes identiques, bien que leur origine soit – en l’état de nos connaissances – bien distincte : de gueules au lion d’or à la bande d’azur brochant sur le tout. Ainsi déposées à l’Armorial général par Honoré de Félix, seigneur de Creisset, et par Joseph de Félix, bourgeois de Riez.


Synoptique des branches



Philippe Félix riche marchand d’Avignon, fin XVe s. De lui sont issues :

  • Branche de la Ferratière restée à Avignon, issue de Pierre Félix marchand x1542 Anne Marie de Francia. Seigneurs de la Ferratière (1532), de Villarfouchard en Piémont, héritent des Greffet, se fixent à Marseille. +1780 > Forbin-Gardanne.

    • Rameau aîné à Aix +1642.
    • Branche de Sissoine issue de François de Félix x1603 Delphine de Sissoine. +fin XVIIIe s. > Brunel de Vachères. (branche non étudiée pour l'instant).

    • Branche d’Aix issue d’Olivier Félix bourgeois d'Aix x1591 Françoise Eyguesier. Marquis du Muy par héritage de leurs cousins d’Ollières (1820). Derniers des Félix +1913 > Coustin, La Fresnaye.

  • Branche de Marseille issue de Philippe Félix marchand de Marseille x1539 Magdeleine de Bus. Les aînés seigneurs de la Jaconière-Puget (1663). +XVIIIe s. > Roux d’Arbaud.

    • Branche de la Reynarde et du Muy issue d’Anthoine Félix x1576 Louise Huc de la Reynarde. Marquis du Muy (1697). Comtes de la Reynarde (1724). Comtes de Grignan (1732). Un maréchal de France, ministre de Louis XVI (1774-1775). +v.1807.

    • Branche d’Ollières issue de Louis de Félix écuyer x1665 Marguerite d’Agoult d’Ollières. Barons puis marquis d’Ollières (v.1756). Barons de Dauphin et Saint-Maime (1754). Marquis du Muy après leurs cousins. Baron d’Empire (1811). Comte-Pair héréditaire (1817) +1820. Laissent leur héritage à la branche d’Aix.






Armoiries de la famille de Félix du Muy
Bouton de livrée
(© Vente Coutau-Bégarie)

 




 
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