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Anciennes familles de Provence | |||
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(de) Pigenat
Les Pigenat ont exercé à Aix depuis 1664, de père en fils, pendant trois générations, la charge de lieutenant criminel en la sénéchaussée et celle de juge pour le roi de la ville d’Aix. L’hôtel qu’ils possédaient à Aix rue des Quatre-Dauphins, fut acheté au XIXe siècle par la famille de Foresta avant de devenir l’hôtel de Bresc. Ainsi que le montre François-Paul Blanc, à l'article Pinchinat, l’origine de cette famille a été habilement falsifiée lors des recherches de noblesse, afin d’obtenir une maintenue en 1705. Les Pigenat prétendaient en effet « estre originairement de la principale noblesse de la ville de Milan » et se rattacher à Honoré Pinchinat (Honorat Penchinart) noble milanais réfugié à Aix, qui avait obtenu de François 1er des lettres lui reconnaissant, pour lui et ses successeurs, les privilèges de sa naissance, en date du 27 janvier 1515. Rejetant avec raison cette version, M. Blanc en propose une autre qui fait de l'ascendance Pinchinat, non plus une ascendance directe, mais indirecte, par les femmes. Claude Pigenat écuyer d’Aix, époux en 1584 de Marguerite de Durant, serait fils de Raymond Pigenat et d’Anne de Mévouillon mariés en 1542, et petit-fils de Jean Pigenat bourgeois d’Aix, qui aurait épousé Adrienne Pinchinat soeur et héritière dudit Honoré Pinchinat, qui mourut sans enfants. Cette version n'est, pensons-nous, pas plus exacte que la première. Mais à la décharge des historiens, nous pouvons dire que la
confusion entre les deux familles ne date pas d'hier, les
registres témoignant de fluctuations pour ne pas dire
contaminations entre les deux patronymes, dès l'origine. Ainsi
le relevé de l'acte de mariage notarié de Claude Pigenat en 1568
indique bien Pigenat, ainsi que plusieurs autres actes le
concernant, tandis que la naissance de son fils Henri en 1595
indique "Pichenat" avec - détail très révélateur - un "n"
intercalé légèrement au dessus du texte, entre le "i" et le "c".
Toutefois, bien que cette falsification fût soumise aux intendants du roi, et permit la maintenue en 1705, elle « n’échappa point à Legendre, mandataire du traitant qui le signala à l’intendant : ‘... les suppliants ne sont point de la famille de Pinchinat qui est éteinte... ‘ ». Sans doute faut-il voir dans la position sociale, et notamment dans les charges importantes qu’exerçaient les Pigenat à Aix, la raison d’une telle indulgence. Concernant les Pinchinat, F.-P. Blanc écrit en note qu’ils n’étaient sans doute pas d’origine italienne, puisque, suivant l’opinion de Mistral (Trésor du Félibrige), le patronyme apparaît comme spécifiquement languedocien. Les Pigenat n'avaient donc, probablement, rien à voir avec les Pinchinat, anciens à Aix et bien alliés, qu’une simple ressemblance de patronyme. Selon M. Borricand, les Pigenat sont originaires de Bourgogne, où ils se perpétuèrent et furent anoblis avec le titre de baron en 1826. Le nom de Pigenat est en effet resté dans notre histoire nationale attaché aux personnes de François Pigenat docteur en Sorbonne, curé de Saint-Nicolas des Champs à Paris, membre du conseil des Quarante et l’un des plus violents prédicateurs de la Ligue (né à Autun, mort en juin 1590 à Paris), et d’Odon Pigenat, son frère, ardent ligueur comme lui, jésuite et provincial de la Compagnie. Les Pigenat disparaissent d’Aix avec la mort de Jean-Augustin de Pigenat en 1738 puis avec celle de son frère, officier des gardes suisses du duc de Berry, décédé en 1783. Ce dernier eut toutefois un fils naturel qu’il reconnut, et qui épousa en 1784 une célèbre aventurière de l’époque, nommée Eléonore Bouvier.
Armes : d'azur au chevron d'or, accompagné de trois pigeons d’argent celui de la pointe soutenu d’un tertre d’or, ainsi enregistrées par François de Pigenat, lieutenant civil et criminel d’Aix.
I - Antoine PIGENAT épouse Jehanne N. d’où : II - Claude PIGENAT praticien, bourgeois d’Aix, épouse 1) par contrat du 2 novembre 1568 passé à Aix, Magdeleine VILLEMONT dite Salvine, veuve, de Marseille, fille de feu Jehan, et de d’Antonette COURTASSE. 2) en 1584, Marguerite DURAND soeur d’Honorade Durand épouse de Jacques Ruffi avocat en la cour, et fille de François, procureur au parlement d'Aix, et d'Andrivette DURAND. Elle teste à Aix le 4 décembre 1638 (Jean Darbès, notaire). D’où :
III - Pierre PIGENAT docteur en droits de l’université d’Aix (2 juin 1622), avocat au parlement de Provence, reçu lieutenant criminel au siège du sénéchal et juge royal d’Aix, le 27 mai 1664, né à Aix et baptisé le 4 décembre 1601 en la cathédrale Saint-Sauveur (parrain Pierre Riquet avocat, marraine Françoise Durant), mort en charge et inhumé aux Augustins le 28 décembre 1666 ; épouse 1) en 1624 à Aix, Claire de BOURDON née en 1609 à Aix, fille de Jacques, écuyer, sieur de Canaux, viguier et capitaine de la ville d’Aix, et de Marguerite de REGIS. 2) le 5 décembre 1650 en l’église Sainte-Madeleine d’Aix, Louise de SAURAT âgée de 34 ans, veuve de Pierre SAUVECANE, grenetier du roi, née à Aix en 1616, fille de défunt Claude et de Sybille BRIGNOLLE, les témoins du mariage sont Pierre Bouchet, marchand d’Aix, Antoine Marguerit, Balthasar Sauvet, et Jean Audiffret. D’où :
IV - François de PIGENAT écuyer d'Aix, reçu le 8 juillet 1667 en l'office de procureur du roi en la sénéchaussée d’Aix, reçu le 8 juillet 1667, et le 18 février 1668 en ceux de lieutenant général criminel au siège et juge royal d’Aix, il cumule ces trois charges jusqu'en 1678 année où il résigne son office de procureur à Jean-Baptiste de Thomassin; né à Aix et baptisé le 30 juin 1643 en l'église Sainte-Madeleine (parrain Jules de Bourdon, marraine Magdeleine de Bourdon femme de M. de Mazargues écuyer), inhumé aux Grands Augustins le 3 avril 1717. Epouse le 11 septembre 1667 en la cathédrale Saint-Sauveur d’Aix, Hélène d’ARBAUD de GARDANNE fille de Jean-Augustin, conseiller du roi en la cour des Comptes, seigneur de Gardanne, et de Jeanne de BADET dame en partie de Gardanne. Elle est inhumée le 6 septembre 1710 au couvent des Grands Augustins d’Aix. D’où :
V - François Etienne de PIGENAT de LA PALUN écuyer, officier des gardes suisses du duc de Berry, teste en 1762; né vers 1687, décédé le 25 juin 1783 âgé de 96 ans ; son portrait se trouve en l’hôtel de ville de Châteaurenard. Il eut une liaison avec Anne MOUSTIER, native de Salon, fille de Pierre et de Louise ISOARD, qui meurt en mettant au monde son fils le 13 septembre 1738 « prise sur la place de Linche », âgée d’environ 28 ans, inhumée le lendemain en la paroisse des Accoules. D’où : VI – François Etienne de PIGENAT de LA PALUN chevalier, né le 13 septembre 1738 à Marseille, baptisé le même jour en l'église Notre-Dame des Accoules (parrain Antoine Blanc pilote de galère, marraine Anne Rose Bonnefoy), reconnu par son père le 18 août 1760 dans une requête qu’il fait au roi demandant sa légitimation, la mention « née de parents inconnus » de son baptistaire, n’est rectifiée par ordonnance que le 24 juillet 1784. Il épouse à Paris, par contrat du 5 janvier 1784 (Pierre Margantin, notaire au Châtelet), et le 12 février suivant en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, Eléonore BOUVIER, âgée de 19 ans, native de Millery en Lyonnais, fille cadette de feu Claude François, maître tailleur de pierre, et de Pierrette PEYSARET. L’époux est écuyer au service de la reine, demeure ordinairement à Marseille mais habite pour lors rue Saint-Honoré en l’hôtel de Bayonne, il possède 24.000 livres ; l’épouse se constitue en dot une somme de 100.000 livres. Quinze jours plus tard, le 21 janvier 1784, il achète une charge de maréchal des logis de la Reine pour 20.000 livres. Le contexte de ce mariage et la personnalité d’Eléonore Bouvier, ne sont pas restés anodins dans l’histoire. Simple domestique, celle-ci avait su par ses intrigues se faufiler près de la reine et des grands personnages de la Cour. Elle fut arrêtée en sa maison le 17 novembre 1785, embastillée, elle y reste un an, et en sort le 6 janvier 1786 pour être placée chez les religieuses de Saint-Michel au petit séminaire. Lire la chronique consacrée à cette jeune aventurière « Le fabuleux destin d’Eléonore Bouvier-Peysaret ». Voir aussi l'ouvrage la Bastille dévoilée publié en 1789 ou celui de M. Dugast de Bois-Saint-Just (article ci-dessous, malgré le prénom erroné de Claudine, il s'agit bien de la même Eléonore Bouvier). Regrettant
ses fonctions sous les Bourbon et hostile à l’empereur, M. de
la Palun est arrêté avec plusieurs amis lors d’une réunion
chez le capitaine Bornier, à l’hôtel des Invalides, le 27 août
1809. Conduit à la prison de la Force, il est dégagé de toute
condamnation attendu que c’est « un vieillard sans moyens
d’existence dans la capitale » (il a 71 ans), et
invité quitter la capitale, mais reste en prison faute d’avoir
voulu regagner sa ville natale à ses propres frais (rapport de
police, Arch. Nat. AA-317 in Joseph Verrier, La
congrégation mariale de M. Chaminade, 1964). Le couple eut un fils :
* Extrait
de l'ouvrage
« Une paysanne lyonnaise sans autre talent que celui de l'effronterie, a occupé assez longtemps les personnages les plus distingués de la cour. Claudine Bouvier [erreur pour Eléonore Bouvier], simple servante chez un particulier de Lyon, avait toute la confiance de son maître qui, ayant un procès à Paris, l'y mena, et la chargea de suivre ses affaires tandis qu'il retournerait dans sa patrie. Cette fille à qui il avait. laissé de l'argent, sans être jolie, avait une figure agréable et était vêtue élégamment dans son costume villageois, eut envie d'aller à Versailles. Elle se trouva dans la galerie, au moment où la cour passait pour se rendre à la chapelle. La reine, étonnée de cet habillement. qu'elle ne connaissait pas, demanda ce que c'était. M. le duc de Villeroi, exerçant alors auprès de Sa Majesté ses fonctions de capitaine des gardes, s'empressa de répondre que c'était une Lyonnaise et qu'en qualité de gouverneur de la province, il avait le droit de la lui présenter. La reine la fit approcher, considéra toutes les parties de son ajustement et s'amusa même à arranger sa coiffure, qu'elle trouvait trop reculée du front. Au retour de la messe, la reine aperçut dans le même endroit cette même paysanne, lui fit signe de venir encore auprès d'elle, l'examina de nouveau et s'éloignant avec cette fille et son capitaine des gardes de ceux qui l'entouraient, témoigna le désir de se faire faire pour le bal masqué un habit pareil. La Bouvier offrit avec beaucoup de zèle de se charger de cette commission et de l'exécution de tout le costume, demandant à sa Majesté la permission de prendre ses ordres à cet égard. Une conversation de quelques minutes et l'ordre donné d'introduire cette fille chez la Reine quand elle se présenterait, suffirent pour exciter auprès d'elle l'empressement de toute la cour. Elle imagina d'en profiter pour sa fortune, se présenta avec effronterie chez le ministres, les amusa par ses expressions populacières, par la vivacité de son babil, contrastant singulièrement avec l'accent niais de son pays ; affecta surtout beaucoup d'aller chez le comte de Maurepas, qui prenait plaisir à en faire son jouet, et obtint ainsi une apparence de crédit qu'elle eut grand soin de faire valoir et d'exagérer auprès des gens simples, qui éblouis de cette faveur soudaine, accouraient du fond de la province pour réclamer et payer sa protection. Elle les accueillait avec l'air de l'intérêt, promettait beaucoup, indiquait les démarches à faire, les secondait dans les bureaux où elle s'était procuré un accès facile; et si elles réussissaient elle s'en attribuait la gloire et une partie du profit. Elle s'entourait de gens à projets, présentait leurs plans dont elle s'attribuait l'idée, et c'est ainsi qu'elle parvint à faire adjuger à une compagnie, à la, tête de laquelle elle se mit le privilège des messageries publiques, sans savoir comment elle en paierait la ferme, ni par quels moyens elle subviendrait aux avances considérables qu'exigeait une telle entreprise, qu'elle ne put en effet soutenir. Dès qu'elle avait chez elle des solliciteurs opulents de sa province, ou des gens crédules qui pouvaient établir la réputation de sa faveur, des émissaires gagés, vêtus de la livrée des princes du sang, de celle des ministres, ou des plus grands seigneurs; venaient lui présenter des bouquets; de la part de leurs prétendus maîtres, s'informer de sa santé; et l'on conçoit combien ce charlatanisme imposait aux dupes qui se croyaient obligés de payer proportionnellement au grand crédit qu'ils supposaient à leur protectrice. Dans une vie aussi agitée et qui exigeait même beaucoup de dépense, la Bouvier dissipait aisément tout le produit de ses intrigues. Elle voulait cependant assurer sa fortune et elle crut en trouver le moyen dans une circonstance que le hasard lui offrit. ·Le gouvernement, ayant besoin d'argent émit plusieurs billets du trésor royal pour les faire escompter. Elle parvint à en accaparer pour quatre cent mille francs, et espéra avoir si bien pris ses mesures pour les faire disparaître jusqu'à un temps plus favorable, qu'on ne pourrait même la soupçonner mais la police la surveillait de près, et eut bientôt lieu de conjecturer qu'elle s'était approprié les titres dont le déficit venait d'être découvert. Un inspecteur de police se rendit chez elle avec des exempts. Elle répondit négativement, et avec un sang-froid imperturbable à leurs interrogations, laissant visiter fort tranquillement son bureau, ses poches, et son portefeuille mais on crut apercevoir quelque inquiétude dans les regards furtifs qu'elle jetait de temps en temps sur son manchon, posé négligemment sur le bras d'un fauteuil. On s'empara de ce meuble, et l'on trouva cousus entre l'étoffe et la doublure tous les papiers que l'on cherchait. On la conduisit en prison. M. de Calonne, contrôleur général, l'en fit sortir au bout de cinq ou six jours et il est à remarquer que c'est la seule personne que ce ministre, entouré de tant d'ennemis dont il connaissait parfaitement les manœuvres ait fait punir pendant qu'il était en place. La Bouvier voulut reprendre ensuite le fil de ses intrigues
mais son crédit était totalement déchu. Cependant un
ancien mousquetaire, qui avait un nom connu dans sa province,
un titre, et point de fortune, la croyant riche lui
proposa de l'épouser. La perspective d'un sort assuré, autant
que l'amour-propre, engagea cette fille à accepter avidement une
offre au-dessus de ses espérances, et ils n'ont pas tardé sans
doute à s'apercevoir qu'ils étaient l'un et l'autre victimes de
leur crédulité. »
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